Robert-Francois Damiens est un homme qui a tenté d’assassiner le roi Louis XV en 1757. Il fut exécuté publiquement après avoir été torturé dans la botte (qui lui écrasait les jambes), des pinces chaudes lui pelant la chair, puis finalement écartelé. Nous reprenons le récit après qu’il soit monté sur l’échafaud ; les tenailles chaudes sont appliquées. Ceci est relaté à travers les Sept générations de bourreaux de la famille Sanson (1862) ; les proviennent directement des mémoires des bourreaux qui l’ont torturé et exécuté :
. Lorsque Damiens sentit la flamme bleuâtre mordre sa chair, il poussa un cri épouvantable et se tordit dans ses liens. La première douleur passée, il releva la tête, et regarda sa main brûler sans manifester sa douleur autrement que par le grincement de ses dents qu’on entendait claquer.
Cette première partie du supplice dura trois minutes.
Charles-Henri Sanson avait vu le poêle vaciller dans les mains de son oncle. Par la sueur qui inondait son visage, sa pâleur presque aussi grande que celle du malade. Aux frissons qui agitaient ses membres, il comprit qu’il lui serait impossible d’exécuter le supplice ; il offrit cent livres à l’un des valets s’il consentait à le faire. Un homme, nommé André Legris, accepta. Il se mit à porter son affreux instrument sur les bras, la poitrine et les cuisses du patient ; à chaque morsure du temps, la mâchoire de fer enlevait un lambeau de chair, et Legris versait dans la plaie béante l’huile brûlante, parfois la résine brûlante , le soufre fondu, ou le plomb fondu que lui présentaient les autres valets.
Nous avons alors éprouvé quelque chose que le langage est impuissant à décrire, que l’esprit peut à peine concevoir, quelque chose qui n’a son pendant qu’en enfer et que j’appellerai l’exaltation de la douleur. Damiens, les yeux démesurément hors de leurs orbites, les cheveux hérissés, les lèvres tordues stimulaient les bourreaux, défiaient leurs tortures, provoquaient de nouvelles souffrances. Lorsque sa chair hurlait au contact des liquides brûlants, sa voix se mêlait à ce frisson odieux, et cette voix qui n’était plus humaine, hurlait – « Encore ! Recommencez ! »
Cependant, ce n’étaient là que les préliminaires du supplice.
On descendit Damiens de la plate-forme, et on le plaça sur un cadre qui avait trois pieds de haut et qui représentait une croix de Saint-André ; puis on attacha un cheval à chacun de ses membres. Pendant ces préparatifs, le malheureux tenait obstinément les yeux fermés. La vénérable curée de Saint-Paul, qui ne l’avait pas abandonné, s’approcha et lui parla ; il lui fit signe qu’il l’entendait, mais il n’ouvrit pas les yeux. On eût dit qu’il ne voulait plus que son regard, qui allait à la rencontre de Dieu, fût souillé par la vue des barbares qui infligeaient de tels tourments à son misérable corps. De temps en temps, il criait : » Jésus ! Marie ! A moi, à moi ! » comme s’il leur avait demandé de l’arracher rapidement à ses bourreaux.
Un aide avait saisi la bride de chaque cheval, un autre avait placé derrière chacun des quatre animaux un fouet à la main. Charles-Henri Sanson se tenait sur l’échafaud, dominant tous ses hommes.
À son signal, les terribles chevaux s’élancèrent. L’effort fut grand, car l’un des chevaux tomba sur le pavé. Cependant, les muscles et les nerfs de la machine humaine avaient résisté à cette affreuse secousse. Trois fois les chevaux, stimulés par les cris, par le fouet, donnèrent plein col, et trois fois la résistance les ramena. On remarqua que les bras et les jambes du malade étaient démesurément longs, mais il vivait encore, et l’on entendit le bruit de ses respirations, stridentes, comme le gémissement d’un soufflet de forge.
Les exécuteurs testamentaires étaient consternés ; le curé de Saint-Paul, M. Guéret, s’était évanoui ; le greffier cachait son visage dans sa toge, et l’on entendait courir dans la foule le murmure sourd qui procède de l’orage. Alors M. Boyer, le chirurgien, s’étant précipité vers l’Hôtel-de-Ville et ayant annoncé aux juges commissaires que le démembrement n’aurait pas lieu si l’on ne secondait pas les efforts des chevaux par l’amputation des gros nerfs, l’autorisation nécessaire fut rapportée.
Nous n’avions pas de coutelas ; ce fut avec une hache qu’André Legris fit des incisions aux aisselles et aux jointures des cuisses des malheureux. Presque aussitôt, les chevaux enlevèrent les membres ; une cuisse fut détachée d’abord, puis l’autre, puis un bras.
Damiens respirait encore.
Enfin, quand les chevaux se raidirent sur le seul membre qui restait, ses paupières se soulevèrent, ses yeux se tournèrent vers le ciel, son tronc informe était mort.
Lorsque les valets détachèrent ces tristes restes de la croix de Saint-André pour les jeter dans le brasier, on remarqua que les cheveux du malade, qui étaient bruns à son arrivée sur la Greve, étaient devenus blancs comme neige.
Ce fut le supplice de Damiens.]
Durant mon temps libre, j’anime un podcast d’histoire sur le crime, les criminels et leur contexte social avant l’année 1918. Vous pouvez le vérifier ici.