En 2016, l’American Academy of Pediatrics (AAP) a publié une directive recommandant de remplacer le terme apparent life-threatening event (ALTE) par le terme brief resolved unexplained event (BRUE) dans le but d’identifier les patients à faible risque (avec une faible probabilité de répétition de l’événement ou de maladie sous-jacente sévère) qui ne nécessitent pas d’admission à l’hôpital ou d’investigations supplémentaires1.
Les auteurs de la ligne directrice ont estimé qu’un terme plus spécifique était nécessaire car l’ALTE est un concept qui englobe un large éventail de troubles (de la respiration périodique à la septicémie), ce qui peut générer un sentiment d’incertitude chez le clinicien et ainsi contraindre à la réalisation de tests inutiles.2 Le terme alternatif, BRUE, vise à refléter la nature transitoire et l’absence d’étiologie claire de ces événements et à supprimer la notion de » danger de mort » qui est la source d’une telle anxiété. La directive a proposé que l’évaluation de chaque nourrisson soit basée sur le niveau de risque de l’événement et a établi des recommandations pour la prise en charge des cas à faible risque.3
Sur la base de ce changement, nous avons mené une étude dans le but de revoir rétrospectivement les cas de patients admis avec un diagnostic d’ALTE qui répondaient aux critères de BRUE.4 Ensuite, nous avons déterminé quels cas du groupe répondant aux critères de BRUE seraient qualifiés de risque plus ou moins élevé, ce qui nous permettrait de déterminer le nombre de nourrissons chez qui la réalisation de tests et l’admission à l’hôpital auraient pu être jugées inutiles. Jusqu’en mai 2018, notre hôpital disposait d’un protocole de prise en charge de la BRUE qui prévoyait l’admission de tous les patients présentant une BRUE.5,6
Entre janvier 2013 et décembre 2017, 194 patients ont eu un code de diagnostic d’admission de la BRUE. Au cours de cette période, il n’y avait pas de code de diagnostic d’ALTE. Nous avons exclu 52 nourrissons pour lesquels nous n’avons pas trouvé de données nous permettant de déterminer si l’événement pouvait être qualifié de BRUE. L’échantillon final comprenait 142 patients, 68 femmes et 74 hommes, avec un âge médian à l’admission de 37 jours (intervalle, 2-461 jours), dont 95 étaient âgés de moins de 2 mois.
Sur les 142 patients, 68 (48%) ne répondaient pas aux critères de BRUE car une cause de l’événement avait été identifiée lors de l’anamnèse ou de l’examen physique (symptômes froids, fièvre, vomissements, bruits respiratoires anormaux à l’auscultation), l’événement n’avait pas disparu au moment de l’arrivée aux urgences, ou le patient était âgé de plus d’un an.
Sur les 74 cas (52%) qui répondaient aux critères de BRUE, 69 (93%) ont été qualifiés de BRUE à risque plus élevé. Les raisons les plus fréquentes de la classification en tant que BRUE à risque plus élevé étaient l’âge inférieur à 2 mois ou l’âge corrigé inférieur à 45 semaines (51 cas), la répétition de l’événement (18 cas), la durée de l’événement supérieure à 1 min (16 cas), l’évaluation sociale préoccupante (5 cas) et les antécédents familiaux de mort subite (4 cas). Plusieurs patients répondaient à plus d’un critère de risque élevé. Aucun des nourrissons n’a été classé à risque plus élevé sur la base de la nécessité d’une réanimation cardio-pulmonaire (RCP) par un prestataire médical qualifié.
Sur les 5 nourrissons qui répondaient aux critères de BRUE à risque plus faible, 3 ont subi des tests de diagnostic (analyses sanguines, échographie crânienne, échocardiogramme, électroencéphalogramme). Tous les résultats des tests étaient normaux, à l’exception de la découverte fortuite à l’échocardiogramme d’une artère collatérale aorto-pulmonaire hémodynamiquement non significative et d’un foramen ovale patent chez un patient. Chez ces nourrissons, il n’y a pas eu d’anomalie des signes vitaux pendant le séjour à l’hôpital, d’épisodes répétés ou de diagnostic de maladie sous-jacente grave. La durée moyenne du séjour chez ces 5 patients était de 1,8 jour.
Dans le groupe de 69 patients qui répondaient aux critères de BRUE à risque plus élevé, des tests diagnostiques ont été réalisés chez 48 % d’entre eux aux urgences et chez 74 % pendant le séjour hospitalier. Dix pour cent de ces patients ont connu un événement répété pendant le séjour. Les résultats anormaux des tests ou les diagnostics pertinents des tests comprenaient le diagnostic de crises convulsives chez un nourrisson, un cas d’hypothyroïdie congénitale (les résultats du dépistage néonatal des maladies métaboliques sont devenus disponibles pendant le séjour à l’hôpital), un cas d’infection respiratoire par le virus respiratoire syncytial, un cas de méningite causée par un entérovirus et la détection d’artères collatérales aorto-pulmonaires hémodynamiquement non significatives chez un nourrisson. La durée moyenne de séjour dans ce groupe était de 2,6 jours.
Des directives récentes recommandent d’enseigner aux parents comment pratiquer la RCP. Une telle formation n’a été dispensée que dans 3 cas (2 %) : les 3 répondaient aux critères de BRUE à risque plus élevé, et 2 ont été pris en charge avec une surveillance cardiorespiratoire à domicile.
Notre étude comporte des limites, dont la principale est sa conception rétrospective.
La moitié seulement des nourrissons admis en raison d’une ALTE répondait aux critères de BRUE. La plupart des nourrissons qui ont subi ces événements étaient âgés de moins de 2 mois, ce qui les rendait plus à risque en raison du critère d’âge. Seuls 7 % des patients atteints de BRUE répondaient aux critères de BRUE à faible risque, de sorte que le dépistage et l’admission à l’hôpital n’auraient pu être évités que pour ce pourcentage du total.