Contexte : Les rythmes électroencéphalographiques thalamocorticaux dans les gamma (30-80 Hz) et les gamma élevés (80-200 Hz) ont été liés à l’éveil et aux processus conscients. Nous avons récemment montré que le propofol provoque une atténuation, en fonction de la concentration, de la puissance des rythmes thalamocorticaux dans la gamme de 50 à 200 Hz et que cet effet est beaucoup plus prononcé pour le thalamus. Pour déterminer si une atténuation similaire se produit avec d’autres anesthésiques, nous avons caractérisé la relation concentration-effet de l’isoflurane, un anesthésique inhalé, sur la puissance spectrale de ces rythmes.
Méthodes : Des potentiels locaux de champ ont été enregistrés à partir du cortex du baril et du noyau thalamique ventro-postéromédial chez 9 rats chroniquement instrumentés pour mesurer la puissance spectrale dans la gamme gamma/haut-gamma (30-200 Hz). Les rats ont été placés dans une chambre hermétique et de l’isoflurane a été administré à des concentrations de 0,75%, 1,1% et 1,5%. La puissance spectrale a été évaluée au départ, aux 3 concentrations d’isoflurane après 30 minutes d’équilibrage, et pendant la récupération sur 4 bandes de fréquences (30-50, 51-75, 76-125, et 126-200 Hz). La perte de conscience a été définie comme une perte durable du réflexe de redressement. Une régression linéaire multiple a été utilisée pour modéliser la variation de la puissance (après transformation logarithmique) en fonction de la concentration et du site d’enregistrement. Les valeurs P ont été corrigées pour les comparaisons multiples.
Résultats : L’inconscience est survenue à la concentration de 1,1% chez tous les animaux. L’isoflurane a provoqué une atténuation linéaire concentration-dépendante robuste (P ≤ 0,008) de la puissance corticale et thalamique dans la gamme 30 à 200 Hz. La pente concentration-effet pour le thalamus était plus raide que pour le cortex dans les plages de 51 à 75 Hz (P = 0,029) et de 76 à 200 Hz (P < 0,001) mais pas pour la plage de 30 à 50 Hz (P = 0,320). La comparaison avec nos données précédemment publiées sur le propofol a montré que la pente pour la puissance corticale était plus forte avec l’isoflurane qu’avec le propofol pour toutes les bandes de fréquence (P = 0,033). Pour la puissance thalamique, les différences de pente entre l’isoflurane et le propofol n’étaient pas statistiquement significatives (0,087 ≤ P ≤ 0,599).
Conclusions : L’isoflurane provoque une atténuation concentration-dépendante de la puissance des rythmes thalamocorticaux dans la gamme 30 à 200 Hz, et cet effet est plus prononcé pour le thalamus que pour le cortex pour les fréquences >50 Hz. Par rapport au propofol, l’isoflurane a provoqué une plus grande atténuation dans le cortex, mais les effets sur le thalamus étaient similaires. L’isoflurane et le propofol provoquent des altérations communes des rythmes rapides thalamocorticaux qui peuvent constituer une signature électrophysiologique de l’état anesthésié.