Collectivement, les huit HR du Québec touchées par la vague de chaleur de juillet 2010 ont montré des augmentations significatives des taux bruts de décès et d’admission aux urgences par rapport aux périodes de comparaison. Cependant, l’analyse régionale a permis d’identifier des variations importantes. Seules trois RS ont connu une augmentation significative des taux bruts d’admission à l’urgence, et seule la région sociosanitaire de Montréal a connu des taux d’admission à l’urgence et de décès simultanément plus élevés. Enfin, aucun déplacement de la mortalité n’a été observé sur un horizon de 60 jours.

Décès

Comme ailleurs dans le monde, cette étude montre que les vagues de chaleur peuvent être des événements météorologiques mortels : l’augmentation significative (33%) du taux brut est comparable aux résultats rapportés ailleurs . Cependant, elle est plus faible que lors de deux épisodes similaires survenus dans la RH de Montréal en 1987 et 1994 où la mortalité quotidienne a dépassé 100% de la moyenne historique . Lors de ces épisodes précédents, aucun plan d’intervention de santé publique n’existait et aucune mesure préventive n’avait été mise en place. Depuis 2006, un plan d’action officiel contre la chaleur a été mis en place au niveau provincial pour toutes les HR concernées, favorisant une approche proactive. De plus, les nouveaux seuils proposés, bien que basés sur une surmortalité de 60% par rapport aux épisodes historiques de canicule, ont été utilisés pour établir des seuils de prévision pour une intervention complète de la santé publique avant la canicule, ou à son tout début. Comme on sait que les décès liés à la chaleur sont largement évitables par une communication et une prévention appropriées, cette approche plus organisée et proactive pourrait expliquer en partie la baisse de la surmortalité, même avec une population vieillissante. Cette situation pourrait également s’expliquer en partie par les changements progressifs du comportement de la population lors des vagues de chaleur, notamment l’utilisation accrue des systèmes de climatisation. Depuis 1987, pour l’ensemble des ménages de la province de Québec, la possession d’un système de climatisation est passée de 15 % à 42 % en 2010. Cependant, l’utilisation réelle de la climatisation n’est pas mesurée et varie considérablement en fonction du revenu, même pendant les vagues de chaleur. Malheureusement, aucune de ces données n’est disponible par RH, ce qui aurait pu grandement aider à l’interprétation de certains de nos résultats.

Cette étude montre également que la mortalité liée à la chaleur augmente rapidement dès le début de la vague de chaleur , et certains de ses impacts sur la santé sont détectables jusqu’à trois jours après le pic de température maximale . Ainsi, certaines différences régionales dans l’exposition à la chaleur (et la présence ou l’absence de pluie) pourraient expliquer la variabilité régionale. Les régions rurales de Montréal et de la Montérégie sont les plus peuplées du Québec et contiennent d’importantes zones d’îlots de chaleur urbains qui favorisent une exposition accrue de la population à la chaleur. Aussi, les caractéristiques de la canicule sont différentes d’une région à l’autre (tableau 1). Les températures maximales les plus élevées (≥ 34°C) concernent seulement trois HR, dont celles de l’Outaouais et de la Montérégie. Sinon, les températures minimales les plus élevées (≥ 24°C) ne concernent que trois HR, dont celles de Montréal et de la Montérégie. Dans ces régions fortement urbanisées, les pics de température minimale ont été atteints très rapidement, soit 24 heures après le début de la canicule. Il semble que la valeur maximale de la température minimale et le temps pour atteindre ce pic soient des facteurs importants pour estimer l’intensité d’une vague de chaleur et la sévérité de ses impacts .

L’absence d’impacts statistiquement différents dans les HR autres que Montréal, l’Outaouais et la Montérégie pourrait aussi être due au faible nombre d’événements de santé dans les régions moins peuplées et à la faible puissance de détection qui y est associée, ou encore à des différences liées à certains paramètres individuels comme l’âge ou l’état de santé , mais nous n’avons pas de preuve à cet effet. D’autres études seraient nécessaires pour clarifier ces aspects.

Le graphique (figure 1) des variations journalières (2010 vs 2005-2009) des décès toutes causes confondues entre le 1er et le 31 juillet 2010, suggère que cet indicateur possède plusieurs qualités qui le rendent utile pour la veille et le suivi des vagues de chaleur. En effet, il existe une courte période (quelques heures) entre le début de la vague de chaleur et l’augmentation des décès, et les décès augmentent dès le premier jour. L’indicateur de mortalité toutes causes confondues semble être suffisamment sensible et spécifique aux dépassements des seuils de température, car les variations journalières des décès reflètent bien les fluctuations des températures pendant la vague de chaleur. Dans ce cas, l’analyse de la mortalité sur un horizon de 60 jours après la vague de chaleur ne montre pas de baisse significative de la mortalité, contrairement à certaines autres études . Pour certaines vagues de chaleur, une baisse de la mortalité a été observée dans les semaines qui ont suivi la vague. Ce déplacement vers l’avant de la mortalité à court terme est également appelé déplacement de la mortalité, ou effet de récolte. Cette réduction de la mortalité suggère généralement que la vague de chaleur a particulièrement touché des individus dont la santé était déjà si compromise qu’ils seraient de toute façon morts à court terme. Ainsi, en l’absence de déplacement de la mortalité, il semble que les décès mesurés dans cette étude soient principalement dus à la vague de chaleur de juillet 2010, et non à la mortalité précoce d’individus affaiblis. D’autre part, il est possible que nous n’ayons pas détecté une mortalité anticipée plus faible en raison de notre méthodologie (par exemple, les périodes choisies pour étudier les effets différés) ou des caractéristiques de nos populations étudiées par rapport à d’autres études .

Enfin, nos résultats ne révèlent pas une augmentation plus importante des décès chez les personnes âgées (75 ans et plus) par rapport au groupe des 0-64 ans comme dans d’autres études . Il est possible que la population québécoise dispose de diverses stratégies d’adaptation à la chaleur, indépendamment de son âge (p. ex. les avertissements de canicule émis dans les régions concernées et les plans d’action visant les personnes âgées). Néanmoins, il est également possible que cette absence d’augmentation plus importante des décès chez les personnes âgées s’explique par le caractère grossier de la variable (dans le registre quotidien des décès du Québec, l’âge est classé selon trois strates seulement : < 65, 65-74, et > 74).

Amissions aux urgences

Dans cette étude, l’augmentation significative des admissions aux urgences (4%) pour l’ensemble des HR touchées par la vague de chaleur de juillet 2010 est similaire à l’augmentation récemment observée dans une étude californienne (3%) . De plus, il existe quelques variations de taux entre les HR qui pourraient être expliquées par des facteurs locaux, mais nous n’avons pas assez d’informations pour conclure sur les raisons de ces variations. Par ailleurs, le graphique (figure 1) des variations quotidiennes des admissions aux urgences (2010 vs 2005-2009) indique qu’elles sont modestes et ne reflètent pas les fluctuations de la température. De telles variations modestes de l’impact d’une vague de chaleur sur ces variations quotidiennes ont également été rapportées dans une étude française en 2005 . Sur base de ces informations, l’utilité de cet indicateur pour le suivi de l’impact sanitaire d’une vague de chaleur n’est pas aussi claire que dans le cas des décès. Néanmoins, cet indicateur reste utile pour la gestion hospitalière dans un tel contexte.

Limitations

Notre étude est basée sur l’analyse d’un seul épisode de chaleur, ce qui limite la généralisation des résultats. L’étude est également affectée par la difficulté de caractériser l’exposition dans les études écologiques. De plus, les valeurs de température proviennent d’une seule station météorologique de référence par HR, même si chaque HR comprend généralement plusieurs villes. Cependant, même s’il peut y avoir une certaine variation des températures dans différentes parties d’une région, la station de référence reflète bien les températures des zones les plus peuplées, et fournit donc des températures valides pour la majorité de la population, selon la définition d’une station de référence par Environnement Canada. De plus, la présence d’îlots de chaleur (et le risque associé) est également plus importante dans les zones les plus urbanisées.

Il faut mentionner que le fichier temporaire des décès ne contient que des informations grossières sur l’âge et aucune information sur le diagnostic, ce qui limite l’interprétation ultérieure des données. Enfin, l’analyse n’a pas pris en compte les polluants atmosphériques. Cela aurait pu expliquer certaines différences régionales concernant l’impact sur la mortalité, mais cela reste une hypothèse puisque l’effet de la pollution atmosphérique sur la relation température-mortalité reste très controversé .

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